Sommaire
La fondation
Fondé par Roger de Montbray, seigneur issu d' une des plus célèbres
et plus puissantes familles d' Angleterre, le prieuré de Villers-Canivet
fut affilié à l'ordre de Cîteaux en 1147 avec toute la
congrégation de Savigny à laquelle il appartenait lors de sa
fondation en 1127.
En
1203 Jean sans Terre, roi d' Angleterre et duc de Normandie, prenait sous
sa protection le prieuré de Villers. Philippe Auguste accordera encore,
en 1221 et 1222, cette faveur à Clairvaux et les maisons qui en dépendaient,
comme Villers. Lors de son passage à Falaise, en 1256, Saint Louis
assura à la communauté la possession de toutes les donations
qui lui avaient été faites, et de toutes les prérogatives
dont elles jouissaient. En 1277, Philippe le Bel confirma par lettre patente
toutes les donations faites aux religieuses.
Malgré les difficultés qui touchaient l'Ordre entier, Villers-Canivet
était devenu un lieu de pèlerinage pour les fidèles
qui cherchaient la purification de leur âme. En 1369, l'évêque
de Sées accorda 20 jours d' indulgences aux pèlerins qui visiteront
et feront des oblations au prieuré, en considération de l'un
des corps des Onze Mille Vierges, déposé dans l'église,
ainsi qu'en l'honneur du lait de la Vierge Marie, renfermé dans un
vase enrichi de saphirs.
Le déclin
Après une longue période de difficultés les effectifs
de la communauté avaient considérablement diminué.
Selon un acte de 1572, les moniales n’étaient plus qu'au nombre
de sept. En 1593, lorsque Mme de La Moricière prit ses fonctions
la discipline était très relâchée et les bâtiments
étaient vétustes et en très mauvais état. Depuis
longtemps certains tenanciers avaient cessé de payer leurs redevances,
ou d'autres, plus malhonnêtes, avaient profité des troubles
(guerres, grand schisme, épidémies...) pour usurper les biens
des religieuses. En 1603, après 10 années d' efforts, l'abbesse
fut grandement récompensée, lorsque l'abbé de Clairvaux
en personne, annonça devant la communauté qu' il fut “grandement
réjouit de reconnaître l'avancement qu' elles ont fait au devoir
religieux et à la dévotion qu' elles ont de faire mieux.”
Le renouveau
En 1630, deux religieuses quittèrent Villers-Canivet pour aller assurer
la fondation d' un monastère à Torigny dans la Manche. En
1656, le monastère renfermait 36 religieuses de choeur, sans compter
les soeurs converses. En moins de trois quart de siècle, la communauté
avait quintuplé. Depuis le XIIIe s., le monastère n'avait
sans doute jamais renfermé autant de moniales. La ferveur et le bon
ordre qui y régnaient avaient attiré des vocations et quelques
grandes personnalités de l'Etroite Observance y avaient laissé
leurs empreintes, tel dom Dominique Georges abbé du Val Richer, qui
reçut la bénédiction abbatiale dans l'église
du monastère.
En
1681 le monastère est érigé au rang d'abbaye royale.
Pendant sa visite à l'abbaye, en 1698, le vicaire général
avait constaté quelques relâchements de la discipline. C' était
peut-être là une conséquence de la tristesse que dégageait
le monastère avec ses bâtiments vétustes à demi
abandonnés ou totalement ruinés. Malgré leur domaine
d' un millier d’hectares, les revenus des religieuses n' étaient
pas suffisants pour améliorer leurs conditions de vie.
Il devenait de plus en plus difficile d' entretenir la fois les bâtiments
et la nombreuse communauté qui comptait, en 1730, 35 femmes et 3
moines. La supérieure déplorait que “ l'abbaye menace
ruine prochaine, est fort ancienne, vétuste, qu' il faudrait avoir
une fortune considérable pour réparer, et que leur revenu
ne permet pas qu'on y fasse d'autres réparations que les plus urgentes.
La reconstruction
Marie-Louise
de Fransure prit la direction du monastère en 1739. Elle eut peut-être
un premier sentiment de découragement lorsqu elle vit l'état
de vétusté des bâtiments. A part l'église, ils
étaient pratiquement tous en ruine. Elle décida aussitôt
qu' il fallait tout raser et reconstruire. Un an seulement après
son arrivée les plans de la nouvelle abbaye étaient réalisés
: seule l'église qui était en bon état sera conservée.
Cependant les nouvelles constructions n'auront plus guère de point
commun avec le “plan type cistercien”.
La révolution
La dernière abbesse Henriette de Murat prit ses fonctions fin 1787.
A cette date Villers-Canivet se révèle une institution relativement
prospère, situation exceptionnelle pour une abbaye de femmes éloignée
des sphères du pouvoir. La reconstruction de l'abbaye était
presque achevée lorsque la Révolution éclata. L'abbesse
refusa de se soumettre à l'autorité du clergé constitutionnel
et, avec l'ensemble de sa communauté, elle opposa une résistance
farouche aux administrateurs du district de Falaise.
Le 7 novembre 1792 l'abbaye fut déclarée bien national et
petit à petit, les bâtiments conventuels furent démolis.
On ne conserva que les bâtiments pouvant présenter un intérêt
pour la ferme. Certains disparurent encore vers la fin des années
60. La restauration du site fut commancée à partir de 1976
par les propriétaires actuels qui en firent l'acquisition. A l'époque
médiévale les constructions étaient impressionnantes
: le grand dortoir, placé au-dessus du bâtiment des moniales,
selon le “plan type cistercien” mesurait plus de 80 mètres
et perpendiculairement au même bâtiment le “petit dortoir”
était long d' environ 36 mètres ! Le choeur de l'église
contenait 74 stalles. C’était probablement l’un des plus
grands monastères cisterciens de filles. Il ne subsiste aucun bâtiment
de cette époque, à l'exception de la très belle porterie
monumentale ouvrant sur l'ancienne ferme des religieuses. Ce bâtiment
défensif du XIIIe s. est la seule porterie médiévale
cistercienne qui nous soit pratiquement parvenue dans son état d'
origine en France. C’est aussi la seule qui subsiste parmi les abbayes
de femmes. Sa sobriété architecturale, pur reflet de “l'Esprit
cistercien”, ayant valeur d' exemple, en fait un Monument de toute
première importance.
Au XXIe siècle
L'enclos abbatial d' une trentaine d'ha avec l'étang,
encore protégé par la quasi totalité de ses murs de
clôture, dégage une atmosphère paisible et spirituelle
propre aux abbayes cisterciennes. Dans la basse cour, autour d' un parc,
se dressent encore plusieurs bâtiments imposants : la grange aux dîmes
(fin XVIe), le logis des moines (XIVe XVIIIe s.), le puits (XVIIe s.) et
autres bâtiments du XVe au XIXe s.
Des lieux réguliers reconstruits à partir de 1741, seul un
pan du cloître à résisté à la démolition
complète de l'abbaye. Cependant toutes les fondations, quelques caves
souterraines et une partie du réseau hydraulique sont encore visibles.
Des fouilles récentes ont également remis à jour une
partie de certains bâtiments du XVIe siècle. Les lieux réguliers
et les bâtiments de la basse-cour sont ouverts aux visiteurs. Un prix
décerné par les VMF (Vieilles Maisons Françaises),
le concours de mécénat privé et le label Fondation
du Patrimoine sont venus encourager une restauration commencée depuis
1976. La porterie qui menaçait ruine est aujourd'hui sauvegardée,
les toitures, le puits, la grange aux dîmes, les vestges du cloître
sont restaurés. Beaucoup de travail reste à faire mais le
site est devenu un lieu de rencontre avec manifestations culturelles, expositions
et concerts.
Pour en savoir plus
Abbaye de Villers-Canivet, Sauvons les
dernières pierres, (nouvelle édition)
Monographie très complète de l'histoire mouvementée
de l'abbaye. Préfacée par le Pr. Lucien Musset, elle est utilement
précédée d' un résumé sur le monachisme
bénédictin et cistercien en France, sur l'organisation et
l'administration des abbayes et sur la vie quotidienne des religieuses.
Ce livre de Patrice Rocher, édité à compte d' auteur
pour l'association des Amis de l'Abbaye de Villers-Canivet, est destiné
à recueillir des fonds pour le sauvetage et la restauration de la
porterie.
232 p., 20 euros, (24,50 euros franco), édité à compte
d' auteur.
Route Cistercienne en Normandie, 32 p., 5 euros (6,70 euros
franco).
L'abbaye royale de Villers-Canivet au temps des abbesses seigneuresses,
Wilfrid Eon, Mémoire d' histoire moderne dirigé par J. Dickinson
et C. Grell, Juin 1999, Université de Versailles-St Quentin en Yvelines,
Archives départementales de Caen.
Cartes postales - Série limitée édition
luxe - Porterie, Vierge à l'Enfant, Puits, Grange aux dîmes
: par 12 : 10 euros.
Ecrire à P. ROCHER 1, chemin de l'Abbaye 14420 - Villers-Canivet.